« Ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part. » (Saint-Exupéry) 6 juillet
Soleil d’hiver
« Malheur à vous quand tous les hommes
Diront du bien de vous » soufflait Luc lucide,
Et dans mon coeur le bruit des sources gronde comme
Une fontaine de foudroyantes pluies acides.
Inondant des prés trop souvent ensoleillés,
L’averse salutaire abreuve un sillon de doutes
Et le poids de l’eau habite l’antre de mes pensées,
Imprimant sur mes paupières closes une sinueuse route.
Un bonheur édifiant supplanté par l’amertume,
Par la blessure vénéneuse d’une brusque déception
Lorsque des yeux fidèles se détournent dans la brume
Et que l’avenir est à modeler sur des ruines sans fond.
Il faut donc qu’il y ait des contempteurs
Pour étouffer les louanges des thuriféraires,
Un ou deux envieux, une poignée de délateurs,
Pour faire souffler dans le ciel d’azur un vent d’hiver,
Un contrepoids, un correctif, la nécessité d’un équilibre,
D’une dichotomie confrontant le beau et l’épreuve,
Sans laquelle une sourde vacance vibre
Et la vie sans douleur nous rend veufs et veuves.
L’ardeur des critiques zélés se mesure à l’aune
Des effusions d’un amant qui en dissipent le gel
Et érigent, impartiales, un légitime trône
Pour les martyrs soumis à cette vindicte cruelle.
Ainsi, au crépuscule et aux âmes grises
Succèdent les feux du levant pour qui sait les déceler
Et l’homme économe modère sa joie dans la brise
Car après la froide saison reviendra l’été.
Et si les hommes à notre égard sont unanimes,
Il est probable que parmi eux certains se fourvoient
Ou, obséquieux, multiplient courbettes et rimes
En se complaisant, allègres, dans cette mauvaise foi.
Aussi, des faux-semblants ne prenons pas ombrage
Car nous agirions vainement mais apprenons plutôt
A aimer les coeurs sincères qui pour nous bravent l’orage
Et dans l’adversité pansent nos maux.